
Nous nous sommes habitués à être les parias de l’Europe. Les derniers. Les mendiants. Cela ne dure-t-il pas depuis six ans, avec le pays qui supplie sans cesse pour sa… tranche ? Habitués à la facilité, amoureux des grandes paroles, les Grecs ont fini par figurer parmi les plus lents de l’UE. Quelques entreprises grecques du secteur privé, cependant, luttent pour changer cette image.
M. Thanasis Papapanagiotou ne peut en aucun cas être qualifié de lent. Ce n’est pas seulement son activité entrepreneuriale qui le classe parmi ceux qui dirigent leur entreprise avec succès, mais aussi le nom de l’industrie qu’il a fondée : Dromeas, qui depuis 1979 parvient à gagner, espérer et avancer. Comme une pierre qui roule et ne se couvre jamais de mousse, cette entreprise macédonienne de mobilier professionnel, grâce à ses choix judicieux et à son investissement dans l’ouverture internationale, s’impose désormais non seulement sur le marché national mais aussi à l’échelle mondiale.
Son dernier exploit ? Elle a récemment remporté un contrat exclusif pour la fourniture de mobilier de bureau à tous les services de la Commission européenne. Un projet avec un chiffre d’affaires initial de 30 millions d’euros, avec la perspective de prolongation pour trois années supplémentaires après deux ans. Et si pour certains politiciens grecs franchir le seuil de M. Jean-Claude Juncker semble extrêmement difficile, pour M. Papapanagiotou, c’est très simple. Et ce, non pas grâce à des appuis extérieurs, mais en raison de la qualité de son travail. Cet accord offre à Dromeas une nouvelle activité pour une période cruciale pour le marché grec. Alors que le pays entre à nouveau dans une phase de doute et de repli, Dromeas investit dans l’ouverture, dans les perspectives des marchés internationaux et dans un projet géant avec une institution de prestige incontestable comme l’UE. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que M. Papapanagiotou conclut une telle collaboration internationale. Récemment, Dromeas a pris en charge un projet d’ameublement pour l’armée allemande, confirmant son parcours international ainsi que la qualité et les standards élevés de l’industrie grecque. Ce n’est pas rien que l’exigeante armée allemande choisisse une entreprise grecque comme partenaire.
La décision stratégique qui a tout changé
Dès le milieu de la décennie précédente, le dynamique M. Papapanagiotou avait perçu les difficultés du marché et la trajectoire du pays vers l’impasse qu’il connaît aujourd’hui. Faire des affaires en Grèce allait devenir particulièrement difficile, tandis que les grands projets fondés sur de vastes visions comme les Jeux olympiques ou les travaux publics transformateurs commençaient à se raréfier. Le pays entrait dans le labyrinthe de la récession, une crise sans précédent qui affecte encore aujourd’hui le marché.
C’est ainsi que l’entrepreneur du nord de la Grèce a décidé de se tourner vers les marchés étrangers. Son principal domaine d’intérêt était l’Europe centrale, et en particulier le marché allemand, avec lequel il a rapidement établi des liens. Bientôt, un projet en a entraîné un autre, et aujourd’hui Dromeas prospère. Il n’est pas anodin qu’elle ait désormais une base jusqu’à Bruxelles, confirmant son orientation internationale.
Bien sûr, la Grèce reste le marché-patrie de l’entreprise, mais les risques y sont désormais importants. Par exemple, lorsque M. Papapanagiotou remportait, fort de son expérience, de grands projets comme ceux du métro (équipements) ou des installations olympiques, beaucoup parlaient avec une grande facilité d’une entreprise ayant des relations privilégiées avec le pouvoir politique de l’époque. C’est la jalousie néohellénique bien connue, l’envie qui rôde derrière chaque réussite. Le fait que Dromeas ait survécu à de nombreux gouvernements et situations politiques préoccupait peu de gens, laissant toujours place à la spéculation. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la critique dans un secteur comme celui du mobilier, qui a souffert ces dernières années de la récession de l’économie nationale, l’industrie grecque parvient à aller à contre-courant. Récemment, à travers une procédure de concours international, il a été décidé que Dromeas fournirait des archives spéciales d’une valeur de 500 000 euros à l’armée allemande. Ces meubles répondent pleinement aux spécifications de l’UE et sont entièrement fabriqués dans les installations de Dromeas dans la zone industrielle de Serrès.
Elle a même équipé le CERN
Et ce n’était pas le premier succès international de M. Papapanagiotou. Depuis 2009, Dromeas est le fournisseur exclusif de mobilier de bureau pour les services de l’UE. En 2011, elle a également équipé les installations du CERN (Centre européen de recherche nucléaire) à Genève, en Suisse, avec des bureaux, des armoires et des bibliothèques. Depuis l’année dernière, elle est le fournisseur officiel de pièces en aluminium moulé sous pression pour le constructeur automobile Mercedes, étendant ainsi son activité déjà présente en Allemagne. Il est significatif que la direction de l’entreprise ait investi, depuis 2002, plus de 40 millions d’euros dans des installations et des équipements mécaniques, avec une vision tournée vers les besoins au-delà des frontières. Aujourd’hui, Dromeas est considérée comme la plus grande entreprise de mobilier de bureau en Grèce en termes de technologie et d’infrastructure, et l’une des mieux organisées en Europe, avec une concurrence souvent à la traîne.
Ses installations dans la zone industrielle de Serrès couvrent 55 000 m² sur un terrain de 130 000 m², employant 200 personnes. Elle produit au total 35 000 références-produits, avec un fort accent sur l’innovation. La conception de ses produits est assurée par des scientifiques spécialisés de l’entreprise, ainsi qu’en collaboration avec des designers externes de renommée internationale. L’industrie grecque détient de nombreux certificats pour ses processus de production, ainsi que plusieurs distinctions et prix. Son réseau de vente comprend 34 magasins de marque dans les grandes villes de Grèce et des Balkans. Elle exporte des produits finis et des composants vers le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Australie, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, le Qatar, l’Égypte, Chypre, la Russie, la Bulgarie et l’Albanie.
Son parcours historique
Dromeas a été fondée en 1979 à Thessalonique par M. Thanasis Papapanagiotou avec ses frères Giorgos (décédé) et Giannis (qui s’est retiré), ayant pour activité principale la production de caravanes. C’était alors un marché émergent en Grèce, ce mode de vacances gagnant du terrain dans le pays et à l’étranger. Parallèlement, la création de l’entreprise avait été favorisée par les séismes qui avaient secoué Thessalonique, entraînant une invention des trois frères qui a suscité de l’intérêt. Le nom Dromeas faisait référence au caractère mobile des caravanes, mais bientôt, et plus précisément en 1986, l’expertise de l’ingénieur civil Thanasis Papapanagiotou l’a conduit sur une autre voie. Visionnaire, il voulait sortir du secteur limité et envisager une perspective plus large.
L’homme d’affaires macédonien ne considérait pas le nord de la Grèce et Serrès, où il a transféré ses installations en 1982, comme une région éloignée sur la carte, mais plutôt comme une opportunité de mettre en valeur les avantages de la production grecque. Ainsi, Dromeas s’est développée et a investi dans la production de mobilier de bureau. La plupart des entreprises de l’époque ne s’intéressaient qu’au mobilier domestique, mais M. Papapanagiotou estimait que le marché du bureau, avec l’entrée du pays dans une nouvelle ère et l’essor du secteur privé, recelait des opportunités.
Entre 1985 et 1987, l’industrie désormais basée à Serrès réalise un nouvel investissement dans des installations et des équipements mécaniques, et commence la production de bureaux pour les espaces de travail, une initiative porteuse de croissance et de profits. Un grand coup de pouce aux ventes viendra de l’accord pour meubler les bureaux et les magasins de l’OTE, de la production de mobilier pour les douanes et les services fiscaux suisses. Au début des années 2000, l’entreprise entre à la Bourse d’Athènes. À cette époque, les projets d’ameublement des stations de métro avec des sièges d’attente, ainsi que des agences Eurobank, lui donneront une impulsion considérable. L’année 2004 est une année-charnière pour la Grèce en raison des Jeux olympiques. C’est alors que Dromeas prend en charge l’ameublement des installations olympiques pour les athlètes et les journalistes, avec des meubles d’une valeur de 12,7 millions d’euros. En 2007, elle collabore avec Daimler en Allemagne pour fournir du mobilier destiné aux expositions européennes de l’entreprise. Cette dernière collaboration renforcera la position de l’industrie grecque sur le marché allemand et améliorera son image nationale. En 2009, un contrat est signé entre l’Union européenne et Dromeas pour la fourniture de mobilier de bureau à tous ses services, d’un montant de 31 millions d’euros et d’une durée de deux ans, avec possibilité de prolongation de 1+1 an. En 2010, le processus de certification de la production de l’entreprise par Mercedes est achevé, la reconnaissant comme fournisseur officiel de pièces en aluminium moulé sous pression. L’entreprise possède des magasins-expositions dans toute la Grèce et un à Sofia, en Bulgarie. Son activité d’exportation est également importante, avec des ventes vers l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Arabie Saoudite et le Moyen-Orient, Chypre et l’Australie. En outre, Dromeas ABEEA a fourni ses produits aux plus grands organismes du pays (OTE, métro d’Athènes, IKA, ministère des Finances, etc.), aux plus grandes entreprises du marché (ETVA, Intracom, Cosmote, Olympic Airways, Hellenic Petroleum, TVX Gold, Hochtief AG, Eurobank, etc.), et a équipé tous les aéroports du pays avec les nouveaux sièges d’attente Ikaros.
Entrepreneur engagé socialement, issu du courant démocratique, M. Papapanagiotou, qui s’était opposé à la dictature pendant les années de la junte, continue à prendre position sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Un exemple marquant fut sa réaction à l’imposition de l’ENFIA. Dans une lettre adressée au Premier ministre de l’époque, Antonis Samaras, aux membres du gouvernement et aux chefs des partis d’opposition, il soulignait que l’annonce récente de l’imposition de l’ENFIA menait le marché à une impasse.
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